Vous m’avez dit fou. Vous aviez en partie raison. Je dirais plutôt que j’ai été stupide.
Mon raisonnement était pourtant bon : J’ai tellement d’expériences m’ayant préparées à ce voyage que je ne peux que réussir.
Je m’explique :
1-Avec les Cadets de l’Armée, j’ai dormi en foret avec les insectes, je me suis lavé dans une bassine avec de l’eau froide, j’ai dormi dans des dortoirs, j’ai appris à travailler dans diverses conditions climatiques et avec des lacunes de sommeil.
2-Avec CouchSurfing, j’ai connu des gens de plusieurs pays, plusieurs cultures.
3-Avec le travail, j’ai atteint un niveau d’anglais suffisant pour communiquer avec une très grande quantité de gens, j’ai apprivoisé l’avion.
4-Avec mes nombreux déménagements, j’ai appris à ne pas m’attacher à mon toit ni à mes choses.
5-Avec mes années en France, j’ai appris à me déraciner, à recommencer à zéro (ou presque), j’ai appris ce que c’est d’être (ou de se sentir) seul, j’ai appris les problèmes physiques du décalage horaire, j’ai appris à visiter des pays étrangers.
Ça c’est la théorie, et séparément.
Là où le bas blesse c’est que lorsqu’on met tout ces éléments ensemble et que c’est sur la durée, c’est l’enfer. Je dis durée car ce ne sont pas des vacances limitées dans le temps. Je ne peux pas me dire : « N’abandonne pas, c’est bientôt terminé ». Je DOIS surpasser cet état de difficulté.
1,3 et 5-Je suis parti le vendredi soir et je suis arrivé le dimanche matin. Pendant le week-end, j’ai dormi environ 2 ou 3 heures dans l’avion. Le décalage horaire de 10h30 m’a rattrapé un peu en retard. La première journée, j’étais tellement excité que j’ai été porté par l’adrénaline. Je crois que j’ai réussi à ne pas dormir la première journée, mais je ne suis pas certain. Pendant la nuit, j’ai dormi par petits moments, pas très bien. J’ai été piqué à plusieurs reprises par les moustiques. La journée suivante je me suis senti très fatigué en milieu d’après-midi et je n’ai pas été capable de résister lorsque Kevin m’a dit qu’il voulait faire une sieste. Je me suis réveillé tellement perdu. J’ai eu du mal à réintégrer la réaliste. Sa mère s’en est rendu compte car elle me demandait toujours si ça allait, si la nourriture était à mon goût. Elle sentait que quelque chose n’allait pas. La nuit suivante, lever à 4h45 (am) pour aller prendre le bus pour visiter Kandy et Sigiriya (finalement je ne me suis pas rendu à Sigiriya). Manque que sommeil intense.
1-Pour ce qui est de la température, c’est simple. C’est la canicule du Québec tout les jours. 30-32 avec un taux d’humidité très élevé. C’est lourd, c’est collant. En ajoutant à cela écran solaire et chasse-moustiques, je suis franchement dégueulasse en permanence. Il y a un bon côté à cette température : en journée, l’eau froide gardée dans un réservoir dehors, en hauteur, devient tiède. Après la douche, je me sens propre 2 secondes car je remets du chasse-moustiques et ce, même pour me coucher : ark.
Les lit sont tellement humides. Pour vous donnez une petite image, imaginez dormir sur une éponge géante saturée d’eau.
2-Pour les petits gestes du quotidiens, j’étais très nerveux de vexer les familles chez qui j’étais. Pour l’instant, je pose l’hypothèse que la culture bouddhiste y est pour quelque chose dans la simplicité d’adaptation. Chaque fois que je fais part des craintes que j’ai d’offenser ou d’agir de manière inappropriée, on se moque de moi. J’ai donc commencé à prendre des initiatives. En général ça va, mais vous auriez du me voir quand ceci m’est arrivé.
3-Je ne suis pas très surpris par les difficultés de langues. Je ne comprends pas tout et je ne m’exprime pas bien. Sur ce dernier point, j’ai réalisé que je devais changer d’approche. Un des problème que j’ai à m’exprimer est que je n’ai pas suffisamment de vocabulaire et que je me trompe de temps de verbe parfois. Cependant, ce n’est pas l’aspect le plus important. Dans la communication, il y a (au moins) 2 acteurs. Celui qui émet, et celui qui reçoit. J’ai le défaut de me concentrer sur moi-même alors qu’en fait, même si j’améliore mon vocabulaire, ça aura peu d’influence positive sur ma rencontre avec l’Autre puisque son niveau d’anglais sera fort probablement trop bas pour comprendre les mots trop complexes ou rarement utilisé. Il faut donc que j’apprenne à parler lentement, clairement et simplement pour communiquer avec l’Autre. L’anglais plus développé sera utile pour coucher avec des voyageuses par exemple.
4-Je ne possède presque plus rien. Seulement un sac à dos. Malheureusement, je réalise que j’y tiens plus qu’à tout ce que j’ai déjà possédé auparavant. Mon premier voyage en autobus, le chauffeur voulait que je mette mon sac sous le bus. Il n’en était pas question. J’ai préféré l’avoir sur moi pendant les deux ou trois heures de voyage. À la fin je n’avais plus de sang dans les jambes, mais j’avais « mon précieux » avec moi et ça me rassurait. J’appréhende mes premières journées en « guest house » où il n’y aura probablement pas d’endroit pour le verrouiller lorsque je sera à l’extérieur.
5-J’étais parti confiant, en me disant qu’avec internet et de l’argent, en cas de pépins, c’est toujours impie de trouver un moyen de transport ou un hôtel où dormir. J’étais tellement loin de la réalité. Le frère de Kevin, lorsqu’il m’a entendu dire ça lors d’une de mes 2 premières journées à dit à Kevin que j’étais un peu trop confiant. Il avait tellement raison. Par exemple, je devrais partir demain pour Trincomalee. Je ne sais pas le numéro de l’autobus ni l’horaire pour m’y rendre. Une fois sur place, je peux toujours chercher un endroit pour dormir, mais il y a tellement de choix douteux que je voulais jeter un oeil sur internet avant de partir. Robert m’avait donné le nom d’un endroit mais rien à faire, je ne le trouve pas sur Google Maps. Je le trouve sur TripAdvisor, il y a un truc d’écrit dans la zone d’adresse, mais impossible de cliquer dessus pour ouvrir la carte (comme on fait habituellement). Si j’entre manuellement dans Google Maps, je n’obtiens rien non plus. J’essaie d’entrer le nom de 2 ou 3 « guest houses » dans la zone de recherche, et au lieu de me dire qu’il ne trouve pas, il me pointe au hôtel de luxe dans le coin. Bizarre. Ça doit leur coûter très cher ce genre de promotion. Je voulais quelque chose de relaxe, pas trop déstabilisant avec un minimum de confort : lit, moustiquaire de lit, ventilateur, toilette privée (peu importe le type) et wifi pour recharger mes batteries. Malheureusement, je ne peux pas vraiment chercher à l’avance et tout ce que je trouve c’est des « guest houses » normales (donc pas tout ce que je cherche), ou des hôtels de luxe à 300$ la nuit. Vous me direz : « Mais Michaël, tu es si stupide, tu n’as qu’a demandé au gens sur place, ils t’aiderons. » Oui et non. Ils connaissent tous quelqu’un dans leur entourage qui a une « guest house » et ils te la recommanderont chaudement et c’est toujours près de tout, confortable, pas cher, etc. Ils sont très gentils, mais pas très objectifs.
Je sais que ce message est long et décousu, mais c’était mon état. Déprimé, paniqué, fatigué. Je n’ai pas été capable d’écrire tout ça sur le coup car j’avais trop de difficulté à me concentrer. Tout mes autres articles ont été écrits d’un seul jet, le plus près possible de la situation ou de l’émotion. Celui-ci est chiant et j’avais hâte de le publier. En fait je mens, je ne voulais pas le faire car je savais qu’il serait mauvais à plusieurs niveau. J’ai seulement conserver le brouillon par souci de ne rien jeter. Maintenant que je vais mieux, je tiens à conserver ce bout important de mon voyage. Pour moi, et aussi un peu pour les futurs grands voyageuses/voyageurs qui me lisent. Je n’étais pas préparé mentalement à cet état de panique (peut-on vraiment l’être). J’étais tellement convaincu d’être fort mentalement, d’avoir suffisamment de bagages d’expériences pour m’adapter relativement facilement. On tombe de plus haut dans ce temps-là. Un grand coup d’humilité en pleine face.
J’ai médité pour essayer de me recentrer et de voir plus clairement la situation.
En parallèle (je sais, c’est pas bien de faire autre chose que la méditation, mais l’urgence de la situation l’obligeait), grâce à internet, j’ai discuté avec des personnes clés. Sans elles, j’aurais probablement pris des décisions dans un mauvais état d’esprit (pas nécessairement mauvaises car certaines d’entre elles restent dans mon esprit. Des scénarios différents que celui envisagé initialement).
Je n’ai jamais, une seule seconde, penser à ne pas partir. Jamais j’ai eu un doute. Pas une fois. Je devais partir.
Ce fût tout un choc lorsque, pendant ma première semaine, la possibilité d’abandonner m’a traversé l’esprit. J’étais vraiment au fond du baril.
Lorsque je suis enfin redevenu moi-même, cet être zen que vous connaissez, j’ai découvert que mon sac à dos était infesté de fourmis. Peu d’entre-vous le savez, mais je n’aime vraiment pas les insectes sur mon corps. J’ai failli rechuter. Mais j’ai plutôt tout sorti du sac, secouer un peu le tout et accrocher mon sac. Je suis allé dans le lit, sous le moustiquaire et j’ai travaillé sur mon blog en ignorant ce que mes petites amies étaient entrain de faire. Pendant ce temps, j’ai discuté avec un ami qui m’a dit qu’il a dormi pendant un an avec des coquerelles (cafards) qui lui parcouraient le corps la nuit. Ça m’a beaucoup aidé à relativiser mon petit problème de fourmis.
J’ai tellement de chance de connaître des personnes aussi merveilleuses.
Merci les amiEs
One reply on “Une trop grosse bouchée”
Oh que je comprends le désarroi!!
Maman d’une famille avec des mousses de 3 et 5 ans… en Thaïlande, c’était la 2e journée d’un voyage de 3 semaines, 1ere fois en Asie….Jétais tellement découragée!
J’ai écris un courriel genre ” Je ne sais vraiment pas ce qu’on fou ici…” à ma mère…
Elle m’a dit de me reposer… pour une fois je l’ai écouté… on a passé une partie de la journée sur le bord de la piscine… et ça a vraiment tout changé!
C’est fou comment la fatigue nous affaiblit mentalement aussi…