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Arnaque des bijoux à Goa

Sapphire

Je n’ai pas envie d’écrire cet article.  Mais je me suis promis de le faire.  J’aimerais penser que ça épargnera des problèmes à quelqu’un, mais je suis lucide.  Ça n’arrivera pas, mais je l’écris pour d’autres raisons.

Cette arnaque est tellement connue, et malgré cela, je n’en étais pas informé.  Lorsque j’ai eu des doutes, je suis allé sur internet et j’ai écris : “goa jewels scam” (Goa bijoux arnaque).  Et les forums sont plein de cas semblables au mien.

2 semaines plus tôt :

Je marche dans LA rue d’Arambol beach.  Un petit village de la région de Goa.  Goa est l’ancienne colonie portugaise.  Après avoir scruté l’horizon du golfe du Bengale à partir de l’ancien territoire français de la côte est (Pondichérry), je suis venu tremper mes pieds dans la mer d’Oman.  Lorsque l’on descend de l’autobus dans le village d’Arambol, on emprunte une rue qui serpente et qui débouche sur la plage.  Elle est unique.  Jonchée de ses commerces touristiques.  Ceux qui font que je n’aimais pas visiter les capitales européennes.  Ils sont tous là, les vendeurs de vêtements, les vendeurs de produits locaux de piètre qualité, les vendeurs de contrefaçons, …  Je n’aime pas trop ça, mais j’avais besoin de me poser et ce qu’il y a de bien à Arambol, c’est que chaque soir, il y a plusieurs bars/cafés/restaurants avec de la musique, des chansonniers de plusieurs styles, mais loin de la musique électro (trans) typique de Goa.  C’est plutôt un endroit de hippies.

Ma chambre est tout près d’un café/restaurant/bar sympathique où j’ai rencontré des gens qui le sont encore plus.  Je n’ai pas aimé l’attitude générale qui se dégageait des gens par contre.  Bien que j’étais là pour faire une pause, pour me retrouver seul, parfois j’aurais aimé discuter un peu.  Les quelques fois où j’ai abordé des gens, un peu plus et ils faisaient comme si je n’étais pas là.  Il y a une “communauté” de gens qui habitent là pendant plusieurs mois et retourne dans leur pays pendant la période morte.

Cependant, il y des exceptions. Une ukrainienne avec qui je partageais beaucoup de points communs est venu s’asseoir avec moi alors que le café était vide.  Nous avons échangé plusieurs jours et ce fût très intéressant.

Quelques jours plus tard, alors que le chansonnier était vraiment très bon, le café était bondé et un couple m’a demandé la permission de s’asseoir avec moi.  Entre 2 chansons, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un charmant jeune couple français.  Je me mets à parler avec eux et j’apprends qu’ils en sont à leur deuxième semaine de leur tour du monde d’un an.  Ils sont vraiment adorables.

C’est bien tout ça, mais je suis en Inde pour rencontrer des indiens…

Alors que je marche tout seul dans la rue, avec mon habillement mi-touriste, mi-“blanc-qui-essaie-de-faire-comme-s’il-était-un-indien” (je me suis fait faire un gilet style indien par un tailleur à Mamallapuram), je croise un indien, assis sur son scooter stationné sur le bord de la route.  Il y a beaucoup d’indiens le long de la route qui nous sollicitent pour nous offrir leur service de taxi (auto ou moto).  Maintenant, j’ai développé l’habitude de leur répondre sans arrêter de marcher.  Ça peut paraitre irrespectueux, mais ici, si tu t’arrêtes, ils ne te lâchent pas.

Tout ça pour dire que lorsqu’il m’a regardé et m’a dit : “Same same but different” (traduction douteuse : pareil mais différent) en pointant nos chapeaux, je l’ai regardé et il s’est passé quelque chose d’étrange en moi.  L’espace d’une fraction de secondes, J’ai perçu plusieurs réalités.  Je ne sais pas comment nommé ça.  J’ai compris que ce n’était pas un taxi, qu’il était amical, mais que ses yeux de japonais n’étaient pas honnêtes (pas que les japonais soient malhonnêtes).  J’avais des informations contradictoires.  Par curiosité, je me suis arrêté pour prendre le temps de comprendre quelle(s) réalité(s) perçue(s) étai(en)t fausse(s).

J’apprends qu’il est de Delhi, qu’il y travaille.  Il est en vacances, mais il est toujours sur appel.  Il est dessinateur de bijoux.  Donc pas besoin d’être toujours sur place, mais si une commande arrive, il doit être disponible.  On a des valeurs familiales qui se ressemblent.  Il parle un peu français.  On essaie de faire Français-Anglais-Hindi.  Je lui apprends un peu de français, il me montre un peu d’Hindi dont j’aurai besoin pour mon bénévolat en février.  C’est cool.

Il m’invite à prendre le thé dans la boutique de son ami.   Le lendemain on va jouer au billard.  On s’entend bien.  On est de niveau semblable.  Il m’invite à manger avec lui.  Il n’aime pas les restaurants.  Il préfère faire la cuisine.  Il habite dans la maison que sa compagnie possède un peu plus loin.  Là-bas je fais la rencontre de ses collègues.  Il ne travaille pas avec eux, mais ils travaillent tous pour la même compagnie.  Ils font à manger et j’en profite.  C’est délicieux.  Je suis surpris de voir qu’un groupe de gars d’une trentaine d’années fasse si bien et si souvent à manger.  On voit qu’ils ont l’habitude.

Je suis aux anges.  Depuis mon frère sri lankais en début de voyage, c’est le premier habitant du pays avec qui je suis “intime”.  On se voit quotidiennement.  On joue au billard, on va se promener, je lui présente mes amis français, je lui présente Tanya.

Après une semaine, il dit que je suis son frère d’une mère diférente (Brother from another mother).  Je me sens bien avec lui, mais pas autant qu’avec mon Kevin, mon frère sri lankais.  Tout de même, c’est un bon ami.

Un de ceux qui fait à manger régulièrement me parle un peu de son boulot.  Il est grand, imposant.  Il parle fort et quand il est là, Lucky (Lakkan) ne parle presque pas.  Il est réservé de nature, mais en sa présence, je ne l’entends presque jamais.  Le collègue me dit que si ça m’intéresse, il peut me faire une offre qui me permettrait de rendre service à sa compagnie (et à lui) et par la même occasion, de faire de l’argent sans changer mes plans de voyage.  À ce moment, je me dis que c’était presque certain que ça ne m’intéresserait pas, mais par politesse et par ouverture d’esprit, je lui dis : “D’accord, j’accepte de t’écouter, mais ne te fais pas d’attentes, c’est presque certain que ce sera non.”  Ça lui convenait tout à fait.

Les jours suivants, mes plans se sont précisés un peu.  Je voulais aller à Mumbai pour y rencontrer une indienne fort sympathique avec qui j’avais discuté grâce à internet.  Comme je faisais maintenant partie de la famille des bijoutiers et qu’ils ont une succursale à Mumbai, ils m’ont offert que j’aille à Mumbai avec le jeune cousin, en voiture.  Et sur place, je pourrais utiliser une chambre dans un des appartements de la compagnie où la grand-mère d’un des employés habite.  Elle est vielle, mais elle insistera pour me faire à manger.  Un accueil digne de ma famille.

La journée précédent mon départ, j’ai enfin la discussion concrète.  Ils utilisent la limite d’achat de nos visa de touriste.  Par exemple, j’ai le droit de faire des cadeaux, acheter des souvenirs etc.  Donc ils demandent s’ils peuvent utiliser une partie de cette limite pour que “j’achète” leurs bijoux et que je me les fasse livrer dans un autre “pays de mon choix”.  Ensuite, lorsque mon voyage m’emmènera dans ce pays, je passe à la poste récupérer le colis, je le donne à leur collègue de ce pays, ils me donnent ma commission et c’est tout.  Même pas besoin de leur donner de l’argent ou mes coordonnées bancaires ni de carte de crédit car ils font juste une facture pour les assurances.

J’ai posé plein de questions, et ils me trouvaient drôle.  Ils trouvaient que j’avais une imagination digne d’un auteur de film.  J’essayais d’avoir l’air suspicieux, mais pas trop pour que l’atmosphère reste agréable.  J’essayais d’avoir des informations comme le nom de l’entreprise pour faire des recherches sur internet, mais comme je m’attendais, ils en ont plusieurs (comme nos compagnies à numéros) et ils ont toutes des noms impossible à retenir.  Ils ont vraiment réponse à tout.  Ils te mettent en confiance et tout, mais bon, j’ai de l’instinct, et je me suis déjà retrouver dans un truc de “Time sharing” alors on ne me la fait pas 2 fois.  Ils étaient déçus que je ne dise pas oui tout de suite.  Je leur ai demandé d’y penser pendant la nuit et de leur répondre demain.  Pour partir en sécurité, je leur ai dit qu’au début, je n’étais pas intéressé, mais que maintenant, je penchais plutôt en faveur de l’offre.  Un des cousins me donne son numéro de téléphone au cas où je n’ai rien à faire ce soir-là.  Je suis surpris car son nom est Vicky.  Pas très commun pour un indien, mais c’est facile à retenir pour moi.

Arrivé à l’hotel, j’ouvre l’ordinateur et je cherche “Goa scam jewels” (Goa arnaque bijoux) et BAM, des dizaines d’histoires comme la mienne partout dans les forums de voyageurs et de touristes.  Sur le 2e forum que je consulte, je trouve même le nom du cousin Vicky.  Il n’y a vraiment plus aucun doute.  Je me sens con, vraiment con.  À ce moment, tous les petits détails me sautent au visage.  À ce moment, tu réalises qu’il y a plein de choses anodines qui font que tu te dis : “Comment ai-je pu être si naïf ?”  Comme par exemple, ils ne voulaient pas que je prenne de photos d’eux pour certains et d’autres seulement pas de photos d’eux dans leur maison (intimité).  En tant que photographe dans un pays dont je ne connais pas les coutumes (surtout religieuses), je ne trouvais absolument rien d’anormal à ces demandes.  Mais ensuite tu réalises qu’il ne veulent pas que leur repaire soit reconnaissable.  Ni eux.  Aussi, il y a certains endroits où mon “frère” ne voulait pas aller soit-disant car il s’agissait d’endroits où les Indiens ne sont pas les bienvenus.  C’était plutôt vrai que je n’y voyais que des occidentaux.  Il s’agissait probablement plus soit d’une tactique pour être connu par le moins de monde possible, soit car ils étaient déjà connus et ils ne voulaient pas que le propriétaire me mette en garde.

Le problème maintenant, c’est que j’ai rendez-vous avec eux le lendemain à midi avec mes bagages car je quitte l’hôtel cette journée-là.  Bien sûr, ils m’ont demandé de ne pas en parler.  C’était la goutte de trop.  Si leur offre était vraiment légale, ils aimeraient que j’en parle à mes amis en qui j’ai confiance.  Donc je devais en parler à mes amis, mais en faisant attention car je ne sais pas en ville qui est de mèche ou non.  La chance est que j’ai 4 amis français donc en parlant français, les risques de se faire prendre sont assez minces.  J’étais vraiment surexcité, nerveux, j’avais besoin d’en parler pour mieux voir la situation, les choix que j’avais pour me sortir de cette situation.  Je faisais juste penser et parler de ça.

Normalement, je ne me fais plus trop de scénarios, j’essaie de vivre la vie comme elle vient.  Mais là, j’utilisais toute la puissance de mon cerveau pour penser à toutes les possibilités et être prêt à faire face à chacune.

Avec l’aide de mes amis français, le plan retenu était qu’ils allaient se lever tôt, trouver un taxi, et venir me chercher à mon hôtel.  Une fois arrivés, j’allais sauter dans le taxi, me faire discret et fuir la ville incognito et me rendre dans une ville où personne ne savait que j’irais.  C’est plutôt extrême comme plan, mais je ne voulais pas prendre de chance.  J’avais lu sur les forums que ça finissait en violence parfois.  Un gros merci à tous mes amis français car ils étaient tous d’accord pour m’aider à me sortir de là.

Tout ça pour dire, que le soir-même, après avoir trouvé une chambre d’hôtel à Ponda que j’allais partager avec un charmant couple de français en début de tour du monde, ma situation précaire était déjà chose du passé.  En voyage, chaque étape est une nouvelle réalité, une autre vie.  Mais dans la vraie vie c’est la même chose.  Il faut réaliser à quel point on s’en fait trop pour des choses qui seront derrière nous dans un intervalle de temps si rapproché.

Je tiens à vous dire que je me suis vraiment fait chier à écrire ce blog.  Ça m’a pris une éternité.  Je m’étais promis de le faire et je m’en veux héhéhé.  J’espère sincèrement que vous n’avez pas eu la même sensation en me lisant.

 

PS: L’arnaque consiste à faire partir les bijoux d’une manière ou d’une autre, et de faire appeler quelqu’un qui se fait passer pour les douanes indiennes.  Cette fausse douane exigent une preuve du paiement des bijoux.  Donc pour faire cela, mes “amis” m’auraient fait faire un retrait dans les boutiques de la valeurs des bijoux (environ 10000$) en me disant qu’ils me rembourseraient aussitôt que les douanes seraient satisfaites.  Ensuite j’imagine qu’ils doivent avoir des problèmes techniques pour ne pas être capable de me rembourser et ça traine en longueur.  Désolé de ne pas m’être rendu jusque là, je crois que vous me pardonnerez.

8 replies on “Arnaque des bijoux à Goa”

Update : J’ai réactivé le numéro de téléphone que j’avais à Goa et mon “ami” m’a contacté pour avoir de mes nouvelles, comme si rien ne s’était passé. Et moi, tellement surpris, je lui ai répondu comme si rien ne s’était passé.

Hey, merci pour l’article
Il m’ait arrivé la même chose, je me suis arrêter au même endroit que toi.
Ton article et important et servira à nombreux voyageur!
Soit en fier!

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